Il était une fois
Il était une fois une petite fille ; ni fée, ni
princesse, juste une petite fille comme les autres.
En fait, l’histoire
commence avant sa naissance.
Cette petite fille ne sait pas encore, bien au chaud dans
le ventre de sa maman, qu’elle a une grand mère gourmande, une fée aux mains
pâtissières.
Ce jour-là, un matin de janvier, sa grand mère décide
d’essayer une nouvelle recette. Tôt, la matin, elle descend dans la cuisine,
allume le fourneau, boit un café au lait et sort de son buffet un grand
saladier et un bol.
Dans le bol, elle verse doucement du lait tiède, une
cuillère de farine et ajoute une petite boule de pâte qu’elle émiette entre ses
doigts : la levure fraîche que lui a donné le boulanger la veille. Elle
place le bol près du fourneau et s’installe dans un fauteuil où un tricot lui
tend les aiguilles. Une manche à terminer et la layette se prête.
Quelques rangs plus tard, sûrement 30 minutes car le facteur vient juste de passer devant sa
fenêtre, elle retourne près du fourneau et découvre une chose étrange : Il
n’y a plus ni lait, ni farine, ni levure, mais une pâte souple et gonflée qui
déborde du bol.
Un sourire aux lèvres, la grand mère verse de la farine
dans le grand saladier et creuse un puits au milieu. Elle ajoute du sucre, du
beurre fondu, des œufs et le levain. Des deux mains, elle mélange le tout,
lentement et forme une boule qu’elle recouvre d’une serviette.
Le plat retourne au bord du fourneau et la grand
mère à son tricot. La boule se met
alors à gonfler, gonfler, jusqu’à soulever légèrement le linge.
La grand mère quitte son fauteuil pour continuer la
recette. Elle se remet à pétrir la pâte, puis la coupe en 8 morceaux qu’elle
étale au rouleau sur la nappe fleurie de la cuisine. Elle tartine chaque
rectangle obtenu de confiture d’abricots et y ajoute des noix hachées. Elle
enroule les morceaux comme de grosses coquilles d’escargot, et les pose droit
dans un plat de porcelaine blanche. La confiture s’échappe un peu des
tortillons.
Recouvert de la serviette, le plat retourne se reposer au
chaud près du fourneau.
Deux heures plus tard, au moment où son mari rentre de la
chasse, le chien sur ses talons, la besace vide mais l’air heureux de sa
promenade solitaire, les drôles d’escargots ont gonflé et occupent toute la
place. C’est le moment de mettre le gâteau au four.
L’après midi, à l’heure du goûter, le gâteau trône sur la
table. Les escargots se sont métamorphosés en magnifiques fleurs épanouies, un
vrai bouquet gourmand : le gâteau de roses était né.
La petite fille du début de l’histoire attend que le
goûter soit terminé et que sa maman ait mangé avec délice une rose pour lui
donner le signal de départ.
Trois heures plus tard, elle naîtra – une petite fille-
c’est normal pour un gâteau de roses !
Les années suivantes, à chaque anniversaire, sa grand
mère retournera en cuisine pour
préparer le gâteau fleuri. Enfin, presque.
Il viendra un temps où une adolescente mettra la main à la
pâte, puis un autre où une jeune femme suivra seule la recette, sous l’œil
attendri et complice de sa grand mère ; puis enfin un temps où une jeune
mère entrera en cuisine pour réaliser
le gâteau de roses pour l’anniversaire de sa grand mère. La dernière fois, elle
plantera neuf grandes bougies et huit
petites et écrira 97 en pâte d’amande.
Aujourd’hui, elle a ressorti la recette de son cahier. L’odeur du gâteau chaud emplit la maison et réveille de doux souvenirs. Le nombre de bougies a beaucoup diminué : juste huit. La vie suit son cours, un nouvel apprenti a pris place à ses côtés. La roue tourne….Syl.